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Il examina de plus près.

— Ce n’est pas là l’empreinte de la chaussure d’un des nôtres ; celui qui vient de passer, car ces traces sont aussi récentes que les miennes, porte des souliers assez fins. Il n’y a pas beaucoup de gens au village chaussés si élégamment, on dirait… Mais c’est impossible ! personne n’a pu me voir venir et cependant… oui, les empreintes sont à une distance égale des miennes ; j’étais suivi par un espion peut-être.

Jack réfléchit quelques instants.

— Je vais les prévenir, il faut se méfier.

Tandis qu’il redescendait l’étroit sentier, l’homme que nous avons déjà vu se cacha derrière un épais tronc d’arbre ; à la faveur de l’obscurité naissante, il put se dissimuler.

Aussitôt que Jack eut passé, il se détacha de l’arbi et n’ayant plus rien à apprendre, se glissa furtivement dans le chemin que le jeune garçon avait pris pour venir. La trace des pas guidait d’abord sa marche mais la neige recommençait à tomber, étendant sur le sol une couche immaculée, la nuit arrivait et il allait devenir bien difficile de se conduire en cet endroit désert. L’espion s’arrêta hésitant.

— Je vais me perdre, murmura-t-il ; j’eusse mieux fait d’attendre mon guide, mais il est trop tard, je ne pourrais sans danger retourner sur mes pas.

Il marchait au hasard, reculant quelquefois au lieu d’avancer ; le froid était intense, l’obscurité complète ; ses pieds enfonçaient dans la neige, il craignait sans cesse de rouler au fond d’un précipice. Cependant il fallait sortir de là, il ne pouvait passer la nuit dans la montagne ; au lever du jour, la police arriverait et il serait arrêté comme contrebandier, jugé et condamné.

À cette pensée, William Pody, nos lecteurs ont deviné que c’était lui, frissonnait d’épouvante, une sueur froide inondait son visage, ses yeux, éblouis par la teinte