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— Hélas ! murmura lentement Colette.

— C’est donc certain ? demanda Jack.

La jeune fille répondit d’une voix étouffée :

— Oui, c’est certain ; ne parle pas de moi à Tomy… dis-lui de m’oublier… dis-lui que j’ai été heureuse de lui avoir sauvé la vie, je n’aurais pas voulu qu’il mourût à cause de moi. Voilà, Jack, ne dis pas autre chose, tu entends. Je ne m’appartiens pas, que la volonté de Dieu soit faite.

Jack, mon enfant, recommande à ta mère d’être prudente, demain surtout.

— Ah ! nous aurons aussi la visite des constables, on tâchera de les recevoir de son mieux.

— Je te quitte, Jack, tu me rendras compte de ta mission, j’ai confiance en ton dévouement et en ton intelligence.

Ramenant autour d’elles les plis de son manteau, Colette revint en toute hâte vers sa chaumière.

Cet entretien avait eu lieu près d’un groupe de rochers entouré de quelques arbres ; les deux interlocuteurs étaient si absorbés par la gravité des événements qu’ils n’aperçurent pas un homme qui rampa parmi les pierres et se plaça à l’abri d’une large roche. L’homme laissa Colette s’éloigner seule et resta immobile à la même place observant le jeune garçon qui rentrait à sa cabane.

Dix minutes plus tard Jack revint, vêtu d’un habit de peaux de chèvres et d’un bonnet de fourrure qui le garantissaient du froid ; il passa devant le groupe de rochers et l’homme quittant son poste d’observation se mit à le suivre.

Le jeune garçon traversa le défilé ; malgré la neige qui cachait les sentiers tracés, il avançait sans hésitation ; on voyait que ces lieux lui étaient familiers. Il côtoyait un étroit passage, bordant un précipice ; les branches dépouillées de feuilles secouaient sur lui les