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D’un regret passager vint reprendre la place,
Ils se sont éloignés, et dès le lendemain.
Sans détourner la tête, ils passaient leur chemin.
Sourd aux gémissemens de la douleur qui veille
Le monde avait repris sa marche de la veille,
Et rien n’était sorti de l’ordre accoutumé.
Rien... qu’un tombeau de plus qui s’était refermé.
Ainsi quand dans l’eau pure une feuille est tombée
Que d’un saule voisin le vent a dérobée.
L’onde qui voit troubler son cours silencieux
Un instant a cessé de réfléchir les cieux ;
Mais bientôt sur l’azur de l’humide fontaine
Les flots n’ont plus laissé qu’une trace lointaine.
Et le cristal limpide un moment agité
A retrouvé l’éclat et l’immobilité.
Mais quand tous en un jour se sont éloignés d’elle,
Moi-même à sa mémoire ai-je été plus fidèle ?
Sur de nouveaux projets, sur de nouveaux plaisirs
N’ai-je point tour à tour promené mes désirs ?
Un rêve n’a-t-il pas à mon âme inquiète
Fait soupçonner un jour que j’étais né poète ?
Parfois, vers les honneurs, mon orgueil n’a-t-il pas
Espéré des chemins aplanis sous mes pas,
Et soudain, oubliant la misère importune.
Dans un brillant lointain entrevu la fortune ?