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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

sans nom. La vérité est que le théâtre Balinais nous propose et nous apporte tout montés des thèmes de théâtre pur auxquels la réalisation scénique confère un équilibre dense, une gravitation entièrement matérialisée.

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Tout cela baigne dans une intoxication profonde qui nous restitue les éléments mêmes de l’extase, et dans l’extase nous retrouvons le bouillonnement sec et le froissement minéral des plantes, des vestiges, des ruines d’arbres éclairés sur leurs frontons.

Toute la bestialité, l’animalité, sont réduits à leur geste sec : bruits de grève de la terre qui se fend, gelée des arbres, bâillements d’animaux.

Les pieds des danseurs, dans le geste d’écarter leurs robes, dissolvent et retournent des pensées, des sensations à l’état pur.

Et toujours cette confrontation de la tête, cet œil de Cyclope, l’œil intérieur de l’esprit que la main droite va chercher.

Mimique des gestes spirituels qui scandent, élaguent, fixent, écartent et subdivisent des sentiments, des états de l’âme, des idées métaphysiques.

Ce théâtre de quintessences où les choses font d’étranges volte-face avant de rentrer dans l’abstraction.

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Leurs gestes tombent si à point sur ce rythme de bois, de caisses creuses, le scandent et le saisissent au vol avec une telle sûreté, et semble-t-il sur de telles arêtes, qu’il semble que ce soit le vide même de leurs membres creux que cette musique va scander.

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L’œil stratifié, lunaire aussi des femmes.

Cet œil de rêve qui semble nous absorber et devant qui nous-même nous apparaissons fantôme.

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