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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

Ce qu’il remue c’est le manifesté.

C’est une sorte de Physique première, d’où l’Esprit ne s’est jamais détaché.

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Il y a dans un spectacle comme celui du théâtre Balinais quelque chose qui supprime l’amusement, ce côté de jeu artificiel inutile, de jeu d’un soir qui est la caractéristique de notre théâtre à nous. Ses réalisations sont taillées en pleine matière, en pleine vie, en pleine réalité. Il y a en elles quelque chose du cérémonial d’un rite religieux, en ce sens qu’elles extirpent de l’esprit de qui les regarde toute idée de simulation, d’imitation dérisoire de la réalité. Cette gesticulation touffue à laquelle nous assistons, a un but, un but immédiat auquel elle tend par des moyens efficaces et dont nous sommes à même d’éprouver immédiatement l’efficacité. Les pensées auxquelles elle vise, les états d’esprit qu’elle cherche à créer, les solutions mystiques qu’elle propose sont émus, soulevés, atteints, sans retard ni ambages. Tout cela semble un exorcisme pour faire affluer nos démons.

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Il y a un bourdonnement grave des choses de l’instinct dans ce théâtre, mais amenées à ce point de transparence, d’intelligence, de ductilité où elles semblent nous rendre d’une manière physique quelques-unes des perceptions les plus secrètes de l’esprit.

Les thèmes proposés partent on pourrait dire de la scène. Ils sont tels, ils en sont à ce point de matérialisation objective, qu’on ne peut les imaginer, si loin que l’on creuse, hors de cette perspective dense, de ce globe fermé et limité du plateau.

Ce spectacle nous donne un merveilleux composé d’images scéniques pures, pour la compréhension desquelles tout un nouveau langage semble avoir été in-