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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

unification et de cette émaciation dans un sens horriblement simplifié et pur, des molécules naturelles ; sur la voie de cette opération qui permet, à force de dépouillement, de repenser et de reconstituer les solides suivant cette ligne spirituelle d’équilibre où ils sont enfin redevenus de l’or. On ne voit pas assez combien le symbolisme matériel qui sert à désigner ce mystérieux travail, répond dans l’esprit à un symbolisme parallèle, à une mise en œuvre d’idées et d’apparences par quoi tout ce qui dans le théâtre est théâtral se désigne et peut se distinguer philosophiquement.

Je m’explique. Et peut-être d’ailleurs a-t-on déjà compris que le genre de théâtre auquel nous faisons allusion n’a rien à voir avec cette sorte de théâtre social ou d’actualité, qui change avec les époques, et où les idées qui animaient à l’origine le théâtre ne se retrouvent plus que dans des caricatures de gestes, méconnaissables à force d’avoir changé de sens. Il en est des idées du théâtre typique et primitif, comme des mots, qui, avec le temps, ont cessé de faire image, et qui au lieu d’être un moyen d’expansion, ne sont plus qu’une impasse et un cimetière pour l’esprit.

Peut-être avant d’aller plus loin nous demandera-t-on de définir ce que nous entendons par théâtre typique et primitif. Et nous entrerons par là au cœur même du problème.

Si l’on pose en effet la question des origines et de la raison d’être (ou de la nécessité primordiale) du théâtre, on trouve d’un côté et métaphysiquement, la matérialisation ou plutôt l’extériorisation d’une sorte de drame essentiel qui contiendrait d’une manière à la fois multiple et unique les principes essentiels de tout drame, déjà orientés eux-mêmes et divisés, pas assez pour perdre leur caractère de principes, assez pour contenir de façon substantielle et active, c’est-à-dire pleine de décharges, des perspectives infinies de conflits. Analyser philoso-