Page:Artaud - Le théâtre et son double - 1938.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
UN ATHLÉTISME AFFECTIF

L’effort par sympathie accompagne le souffle et suivant la qualité de l’effort à produire une émission préparatoire de souffle rendra facile et spontané cet effort. J’insiste sur le mot spontané, car le souffle rallume la vie, il l’embrase dans sa substance.

Ce que le souffle volontaire provoque c’est une réapparition spontanée de la vie. Comme une voix dans des couleurs infinies aux bords desquelles des guerriers dorment. La cloche du matin ou le buccin de la guerre agissent pour les jeter régulièrement dans la mêlée. Mais qu’un enfant tout à coup crie « au loup » et voici que les mêmes guerriers se réveillent. Ils se réveillent au milieu de la nuit. Fausse alerte : les soldats vont rentrer. Mais non : ils se heurtent à des groupes hostiles, ils sont tombés dans un vrai guêpier. C’est en rêve que l’enfant a crié. Son inconscient plus sensible et qui flotte s’est heurté à un troupeau d’ennemis. Ainsi par des moyens détournés, le mensonge provoqué du théâtre tombe sur une réalité plus redoutable que l’autre et que la vie n’avait pas soupçonnée.

Ainsi par l’acuité aiguisée des souffles l’acteur creuse sa personnalité.

Car le souffle qui nourrit la vie permet d’en remonter par échelons les stades. Et un sentiment que l’acteur n’a pas, il peut y repénétrer par le souffle, à condition d’en combiner judicieusement les effets ; et de ne pas se tromper de sexe. Car le souffle est mâle ou femelle ; et il est moins souvent androgyne. Mais on peut avoir à dépeindre de précieux états arrêtés.

Le souffle accompagne le sentiment et on peut pénétrer dans le sentiment par le souffle à condition d’avoir su discriminer dans les souffles celui qui convient à ce sentiment.

Il y a, nous l’avons dit, six combinaisons principales des souffles.