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LE THÉATRE ET SON DOUBLE

doit être rendu également à l’auteur, mais devenu lui aussi metteur en scène de manière à faire cesser cette absurde dualité qui existe entre le metteur en scène et l’auteur.

Un auteur qui ne frappe pas directement la matière scénique, qui n’évolue pas sur la scène en s’orientant et en faisant subir au spectacle la force de son orientation, a trahi en réalité sa mission. Et il est juste que l’acteur le remplace. Mais c’est alors tant pis pour le théâtre qui ne peut que souffrir de cette usurpation.

Le temps théâtral qui s’appuie sur le souffle tantôt se précipite dans une volonté d’expiration majeure, tantôt se replie et s’amenuise dans une inspiration féminine et prolongée. Un geste arrêté fait courir un grouillement forcené et multiple, et ce geste porte en lui-même la magie de son évocation.

Mais s’il nous plaît de fournir des suggestions concernant la vie énergique et animée du théâtre, nous n’aurions garde de fixer des lois.

Certes le souffle humain a des principes qui s’appuient ! tous sur les innombrables combinaisons des ternaires kabbalistiques. Il y a six ternaires principaux, mais des innombrables combinaisons de ternaires puisque c’est d’eux que toute vie est issue. Et le théâtre est justement le lieu où cette respiration magique est à volonté reproduite. Si la fixation d’un geste majeur commande autour de lui une respiration précipitée et multiple, cette même respiration grossie peut venir faire déferler ses ondes avec lenteur autour d’un geste fixe. Il y a des principes abstraits mais pas de loi concrète et plastique ; la seule loi c’est l’énergie poétique qui va du silence étranglé à la peinture précipitée d’un spasme, et de la parole individuelle mezzo voce, à l’orage pesant et ample d’un chœur lentement rassemblé.

Mais l’important est de créer des étages, des perspectives de l’un à l’autre langage. Le secret du théâtre dans