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une buvée faite avec du poussier de foin et des feuilles de choux que l’on a conservées pour elles. On ne leur donne point de sel : ce n’est que dans la saison des herbes qu’on leur en distribue une once à peu près tous les jours, pour leur donner plus d’appétit. Leurs gardiens ont observé que plus ils les tiennent chaudement et à l’abri de l’humidité, moins elles consomment de nourriture.

On ne garde, en hiver, qu’un petit nombre de brebis ; ces animaux s’achètent dans le Faucigny, après la tonte du mois de mai. On les paie neuf à dix francs, et après en avoir retiré deux livres environ de laine courte et grossière, on s’en défait à la foire de Suze, à un tiers ordinairement au dessous de leur prix d’achat. Leur poids, à l’age d’un an, est de quarante à cinquante livres. Les brebis que l’on conserve ne sont tondues qu’à la Saint-André (30 novembre) ; elles produisent alors cinq ou six livres de laine, que l’on emploie à faire des bas ou à fabriquer un drap grossier, dont les pâtres se vêtent ; on est aussi, dans l’usage de placer ces animaux à cheptel dans les vallées subalpines.

Je ne dirai rien des chèvres, dont tout le monde connaît l’aptitude à prospérer sur les montagnes ; elles sont, en général, blanches et sans cornes, comme celles que l’on nomme muses dans le Mont-d’Or[1]. Leur poids ne diffère guère de celui des brebis ; mais elles donnent jusqu’à deux pots de lait par jour, pendant que ces dernières n’en rendent qu’un seul.

Je n’énumérerai pas les plantes qui rendent les prairies alpines si favorables aux bestiaux ; ces régions abondent en herbes à feuilles larges, telles que les chi-

  1. Les Alpicoles croient que les chèvres sans cornes donnent plus de lait. Pline était de la même opinion : mutilum in utroque sexu utilius ; mutilis lactis major ubertas. Nat. Hist., lib. VIII, cap. 50.