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sition toute particulière du sol, fondée sur un moyen simple de tirer le parti le plus avantageux d’une denrée très naturelle, paraît avoir pris son origine dans la nature même, puisque nous la tenons des peuples qui en étaient les plus voisins : aussi ce commerce n’a-t-il jamais éprouvé cette inconstance et ces vicissitudes qu’éprouvent ceux qui n’ont pour but que des objets de luxe, de goût ou de fantaisie[1].

Les fromages qu’on porte à Roquefort de toutes les communes voisines sont faits avec le lait de chèvre et de brebis. Ces animaux paissent presque tous sur le Larzac ; cet immense plateau, qui a huit à dix lieues de diamètre, est très fertile ; il donne trois ou quatre récoltes de divers grains sans interruption ; et lorsque la terre paraît épuisée et qu’on la laisse reposer, alors les champs se convertissent en vastes pâturages, et ces prairies, formées naturellement dans l’espace de quelques mois, pourraient recevoir la faux plusieurs fois dans la même année. Les plantes qui forment ces pâturages sont excellentes, et les brebis qui s’en nourrissent donnent un lait exquis, tandis que les moutons jouissent d’une réputation bien acquise.

  1. Les fromages de Roquefort étaient connus du temps de Pline. Il parle avec enthousiasme de la bonté du fromage qui était envoyé à Rome par la colonie de Nîmes, et qu’on fabriquait dans les montagnes de la Lozère, qui ne sont pas assez éloignées de Roquefort pour que le naturaliste de Rome n’ait pas pu les confondre.

    M. Marcorelle est tenté de croire que les fromages jetés autrefois en offrande dans le lac du mont Helanus par les paysans du Gévaudan, alors idolâtres, et celui qu’ils employaient dans les repas superstitieux qu’ils faisaient à l’occasion de cette cérémonie, étaient des fromages de Roquefort. Cette cérémonie fut abolie par Saint-Hilaire, évêque de Mende, vers l’an 550.