Page:Arrhenius - L’évolution des mondes, 1910.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
entropie de l’univers

Le cas le plus simple d’un équilibre de température se produira si nous plaçons dans un espace qui n’admet aucune accession de chaleur de l’extérieur, et d’où aucune chaleur ne peut non plus sortir, un certain nombre de corps d’inégale température. La chaleur y passera des corps plus chauds aux corps moins chauds par un moyen quelconque, par conductibilité ou par rayonnement, jusqu’à ce que tous arrivent à une même température. L’équilibre s’établira. C’est à un semblable équilibre que tend, selon Clausius, l’ensemble de l’univers. Si jamais il se produit, toutes les sources du mouvement seront taries. La vie cessera. C’est la « mort calorifique » (Wärmetod) qui régnera[1].

    charbon pur, ou de très bonne houille, donne, par sa combustion, 8 000 de ces calories. Il suffit conséquemment pour élever 80 kilogrammes d’eau de 0° à 100° C. La puissance d’une machine à vapeur résulte de ce que, recevant de la chaudière, de la vapeur à — mettons — 150 degrés, elle y puise de la chaleur, et qu’elle restitue à la sortie du condenseur cette vapeur à 60 degrés environ. Une partie de la chaleur absorbée se trouve donc convertie en travail à l’aide de l’organisme mécanique. Cette portion est, au maximum, égale au quotient de la différence de température entre chaudière et condenseur, divisée par la température absolue de la vapeur au début. Dans notre exemple indiqué ci-dessus, la chute de température est de 90 degrés. La température absolue initiale est de 273° + 150° = 423 degrés. C’est donc les 90/423 ou environ 0,21 (21 p. 100) de la chaleur sortie de la chaudière qui devrait pouvoir être transformée en travail.

    Mais une partie notable de la chaleur de combustion s’échappe dans l’air avec les gaz produits dans le foyer. D’autre part la chaudière et la machine elles-mêmes en perdent une proportion notable par conductibilité et par rayonnement. Le rendement des machines n’arrive donc jamais au travail théoriquement déterminé en partant de la chaleur produite par la combustion. Elles n’en rendent qu’une fraction. Les meilleures d’entre elles n’ont guère qu’un rendement de 50 p. 100.

    La puissance d’une machine à vapeur dépend donc de la tendance que possède la chaleur à passer d’un milieu plus chaud à un milieu moins chaud. C’est ce qui revient au même que de dire que l’entropie a une tendance à grandir toujours.

  1. Ce mot de Wärmetod, difficilement traduisible, signifie, pour Clausius, la transformation définitive de toutes les formes d’énergie en chaleur, la diffusion uniforme de celle-ci, et par conséquent l’égalité générale de la température. C’est la disparition de tout mouvement, de toute vibration des masses, par conséquent, de toute électricité, de toute transmission d’énergie, de toute vie. Il n’y a plus de radiation thermique mais seulement un mouvement moléculaire et