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huit chaises de paille : la pièce était éclairée par une fenêtre sur laquelle Malherbe, un jour de grand hiver, étendait trois ou quatre aunes de frise verte, l’astrakan de nos pères, tout en bougonnant : « Je pense qu’il est avis à ce froid qu’il n’y a plus de frise dans Paris ; je lui montrerai bien que si ! » Il était là tout près du Louvre où il avait son service, à deux pas de l’hôtel de Bellegarde où il avait sa table.

Presque tous les jours, sur le soir, il se tenait chez Malherbe une petite conférence littéraire, dont les principaux membres étaient Racan, Maynard, président au siège présidial d’Aurillac, Yvrande, ami de Racan et son compagnon des pages, le sieur de Touvant, le gros Colomby, compatriote et ami du maître, le peintre-poète Dumonstier : c’était comme sa « classe » de poètes. Quand toutes les chaises étaient occupées, il fermait sa porte à l’intérieur, et si quelqu’un y venait heurter, il lui criait : « Attendez, il n’y a plus de chaires (de chaises), » disant qu’ « il valait mieux ne point les recevoir que de leur donner l’incommodité d’être debout ».

Un jour, un habitant d’Aurillac vient agiter le heurtoir en demandant : « Monsieur le Président est-il point ici ? » Malherbe se lève brusquement et court répondre à l’Auvergnat : « Quel président demandez-vous ? Apprenez qu’il n’y a point ici d’autre président que moi. » Son fauteuil présidentiel est une simple chaise de paille près de la cheminée, à cause de sa naturelle frilosité et