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de la conversation : il s’agissait de celle-ci, mais resserrée et condensée ; il voulait, en somme, les mêmes termes et les mêmes expressions, mais adaptés à dire plus de choses et avec plus de force. Dans la profondeur de son bon sens, Malherbe fit là une très grande découverte sur le fond du génie français : c’est que « l’écriture » française doit, par sa destinée, ressembler au langage oral tout en en différant. Sur ce sauvageon commun, l’écrivain entera sa propre pensée, qui, si elle est de vigoureuse origine, s’épanouira en fleurs rares et en fruits savoureux.

Le premier, notre poète, à sa manière, forte et hachée, donna cette théorie du naturel acquis et laborieux, et déjà « des vers faciles, difficilement faits »  : tout le 17e siècle suivra avec sa succession de chefs-d’œuvre, tous inspirés par cette même sorte de naturalisme idéalisé.

On voit que ce pédagogue, dans le fond, n’est pas plus un pédant que Vaugelas ; car il n’impose point, au nom de dogmes personnels, sa législation grammaticale. Il n’est pédant que dans le ton, et comme par excès de sens commun. Sa réforme est, en réalité, une réaction démocratique contre l’aristocratie littéraire de Ronsard, mais il l’opéra avec les procédés d’un vrai dictateur.

Les deux grands critiques qui rappellent le mieux Malherbe aux 19e et 20e siècles ont excellemment résumé la grande idée de son règne. Nisard d’abord, dans son admirable chapitre Ier de l’Histoire de la Littérature française, définit