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MALHERBE

il tente de leur imposer la strophe ; selon sa pittoresque image, il dédaigne de marcher, ne rêvant que de sauter, et il en trouve jusqu’à 45 façons différentes. Au contraire de ce qui devait arriver à d’autres, tels qu’André Chénier, il ne conçoit pas la poésie autrement que par strophes. C’est pourquoi perfectionner les rythmes existants, en inventer d’autres, telle est sa grande préoccupation. Par là il continua directement l’œuvre de Ronsard, et il la mit au point. Ainsi c’est la collaboration à distance de ces deux ennemis, qui acheva de constituer le beau dizain de vers octosyllabes que nous avons entendu résonner dans l’ode à Marie de Médicis, — cette vraie strophe lyrique qui, émettant une première idée dans le quatrain initial, s’arrête un instant à la pause, puis s’élance en un superbe jet prolongé qui vient s’étaler en un sizain de sonorités féminines, tout comme une belle vague qui retombe écumante sur la plage.

En réglementant ce rythme et les autres, en proscrivant l'hiatus, en ordonnant pauses et césures, en recommandant la rime riche, qui peut, selon lui, « faire produire de nouvelles pensées », en édictant toutes ces lois sévères de la versification française, qui, au bout de trois cents ans, vivent encore, à très peu près, de quel principe s’inspirait le maître ? Pour nous il est manifeste qu’il entendit mettre la strophe en rapport intime avec l’attention de l’auditeur, avec la prononciation et la respiration du récitant ou du musicien. La