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QUELQUES POÈTES

d’expression du seizième siècle, mais en y remplaçant, lui, les deux mots synonymes par deux termes voisins, artistement gradués[1]. Voilà cinquante ans que ces délicates petites œuvres servent à bon droit, sinon de modèles, au moins d’inspiratrices, à quiconque se mêle ou de biographie ou de littérature. Mais reconnaissons que la finesse du critique ne va point sans préciosité, son tact sans tâtonnements, son goût des auteurs, petits ou minces, sans un fâcheux défaut de sympathie à l’égard des grands : n’osa-t-il pas écrire un jour ce véritable blasphème, qu’il n’était pas fâché « de tous les soufflets donnés à de grands noms[2] » ! Aussi convient-il, en tenant compte, d’ailleurs, des multiples progrès de l’érudition, de reprendre certaines études sournoises de Sainte-Beuve pour les élargir, la plupart de ses fins médaillons pour les agrandir et en faire des portraits en pied, bon nombre de ses pastels biographiques pour les pousser à de véritables et complètes peintures, où une lumière plus franche

  1. Par exemple, Montaigne dira couramment : « … Ils étaient régis et gouvernés par certaines polices et coutumes particulières… » Sainte-Beuve redouble aussi l’expression, mais en la graduant toujours : « … Les mœurs politiques anglaises se relevèrent patriotiquement et se retrempèrent avec Chatham… ; le côté positif et calculateur de l’esprit anglais… », etc.
  2. Il ne le dit pas tout à fait aussi crûment, car il est toujours exquisement enveloppé, même dans ses blasphèmes : « Cousin », écrit-il, « dit en parlant du livre de de Maistre contre Bacon : « Je ne lui aurais pas donné ce soufflet moi-même, mais je ne suis pas fâché qu’il l’ait reçu » C’est ce qu’on dirait, si on l’osait, de tous les soufflets donnés à de grands noms. » (Lundis, t. XI, p. 479.)