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LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

particulier les grands poètes lyriques, ou ceux qui se croient tels, pensant devoir à leur génération d’en être les chantres attitrés, puisent souvent leur inspiration dans les événements publics, telles sont l’ode de Malherbe sur la prise de la Rochelle, celle de Boileau sur le siège de Namur, la pièce de Hugo sur le Retour de l’Empereur. Sans doute, s’ils sont réellement grands écrivains, ils dégagent spontanément de ces faits le maximum de généralité qui s’y recèle. Mais encore est-il nécessaire, pour bien comprendre et expliquer de semblables œuvres, de connaître clairement les événements qui leur servent de supports, le retentissement qu’ils ont eu dans le public et le contrecoup plus ou moins direct qu’ils ont exercé sur les auteurs eux-mêmes.

Un penseur contemporain remarquable par son sentiment de la vie et qui s’adonne à si utilement dégager pour le public cet élément essentiel du catholicisme, s’exprimait ainsi naguère à propos d’éducation : « … Puisque tous les grands écrivains ont dans leurs écrits exprimé leur vie, il faut derrière leurs mots retrouver, et faire retrouver aux élèves cette même vie… Un vers n’est que de la vie momifiée et solidifiée. Il attend un lecteur pour le ressusciter. C’est au professeur de savoir le faire sortir du tombeau[1]… » Or le critique ne doit-il pas aspirer au noble rôle de professeur pour adultes ?

  1. Georges Fonsegrive, L’Éducation verbale. Quinzaine du 16 novembre 1897, p. 276.