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QUELQUES POÈTES

chaleureuse synthèse et que, après avoir expliqué ainsi, par des raisons contingentes et personnelles, le point d’origine, tout le tour et la formation d’une œuvre, l’on fera appel à sa plus large sympathie, dégagée des menus documents de l’histoire et de la biographie, pour juger, goûter et admirer le fond éternel et le grand lieu commun qui fait la matière pure et précieuse de tout chef-d’œuvre.


Les adversaires de la méthode biographique se retranchent alors dans une autre position. Ils accorderaient à la rigueur que la méthode fût valable pour les écrivains secondaires, lesquels sont plus sensibles, disent-ils, à l’impression des événements et du milieu. Mais elle ne vaut plus rien pour les grands écrivains, qui tirent tout de leur génie, surtout pour les grands écrivains classiques qui ne comprenaient point que l’on ne dissimulât pas jalousement sa personnalité et sa vie derrière les idées générales de ses œuvres.

Nous ne pouvons aucunement admettre une telle distinction. Ce sont de grands écrivains que ceux dont nous tirions des exemples à l’instant, ce ne sont pas moins que les trois grands poètes du romantisme. Il est trop évident que la littérature moderne, inaugurée par Jean-Jacques Rousseau, se prête admirablement à la méthode, puisque ses écrivains font leurs œuvres avec leurs impressions, directement et presque sans nulle élaboration : leur biographie a l’air de se confondre, dans certains cas, avec leurs ouvrages, témoin les