Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

giste[1] ; aussi, pour peu que l’on s’attache à un grand écrivain, surtout s’il a vécu longtemps, risque-t-on de mourir soi-même avant d’avoir réussi à faire mourir son héros, ce qui arriva aux biographes de Bossuet et de la marquise de Sévigné, auxquels nous reviendrons plus loin. — Mais ce dernier point de vue concerne les auteurs, non les lecteurs, qui s’en soucient peu, et la valeur d’une méthode ne s’est jamais mesurée aux efforts qu’elle demande, mais aux résultats qu’elle produit. Les historiens dignes de ce nom ont bien dû s’astreindre à la méthode infiniment longue des sources, et ils ne songent point à s’en plaindre, parce qu’ils envisagent la sûreté des acquisitions qui en résultent. Quel encouragement les critiques littéraires ne recueilleront-ils pas sur leur longue route quand ils découvriront dans telle ou telle des œuvres de leur modèle le contre-coup manifeste de tel événement de sa vie, quand ils percevront peu à peu dans son tempérament des traits qui se retrouvent dans toute sa carrière littéraire et qu’ils pourront restituer ce « dessin plus ou moins original, que la nature trace d’abord en nous » pour « le caractère moral comme pour la physionomie physique » et qui « va creusant et le plus souvent grossissant avec les années[2] » ! Ils ne peuvent

  1. Sainte-Beuve lui-même, dans les Lundis, t. VI, p. 169, à propos de Walckenaer, qui réussit également dans les deux branches.
  2. Sainte-Beuve, Lundis, t. XI, p. 511.