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QUELQUES POÈTES

lectuels, beaucoup plus logiciens et philosophes qu’historiens et artistes, plus épris de synthèses que d’analyses, se complaisant de préférence à l’ingénieux démontage et remontage des pièces de théâtre, aux vastes généralisations et systématisations, aux simplifications et dépouillements pénétrants et spirituels, au replacement des individus dans l’histoire des idées, avant tout servants de l’idée, au détriment du fait et du beau, qu’ils paraissent équitablement dédaigner. Adieu les délicates et fines analyses, les pastels fondus et spirituels, les échantillons variés de beauté littéraire ou d’humanité, présentés soigneusement par des hommes de société, aimables moralistes mondains ! Mais, en revanche, les dissertations fortes et vigoureuses de nos maîtres, que nous sentons passer au-dessus de nos têtes avec une docile et tremblante admiration. L’on comprend que les poètes en particulier se plaignent de n’être plus jugés que par des philosophes, et non plus par un des leurs[1]. Venant après Taine et Sainte-Beuve, les modernes philosophes de la critique ne peuvent pas, naturellement, ne point tenir compte de l’histoire littéraire, soit générale, soit même biographique, même quand ils ont l’air de s’en défendre ; mais il faut voir avec quelle désinvolture large et succincte ils profitent des longs et patients travaux de ceux qui ont défriché, à la sueur de leur front, un coin de l’histoire

  1. Voy. Emmanuel des Essart, Journal des Débats, 7 novembre 1903 : « Une Revue de la Poésie française. »