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QUELQUES POÈTES

un mot elles se peuvent ramener à l’artiste qui l’a créée, avec sa date, sa race, son pays, ses idées et ses sentiments, son tempérament propre. Par exemple, quiconque a ressaisi, dans sa vie familière, le naturel âpre, brusque, sec et simpliste de Malherbe, entêté de clarté et d’ordre religieux et politique, comprend sans peine le caractère de son lyrisme et de sa réforme du Parnasse. — Pour qui sait la naissance en Orient d’André Chénier, le fils de la belle Grecque, et son enfance dans la serre chaude des vallées du Languedoc, s’explique tout uniment comme le jeune poète a pu entrer de plain-pied dans l’antiquité, et, entre autres choses, pour être plus précis, la vivacité dont il rend les impressions de fraîcheur. — Notre illustre contemporain, M. Sully Prudhomme, le philosophe-poète, ne s’éclaire-t-il pas singulièrement avec ses nobles et éternelles incertitudes métaphysiques, si l’on connaît ses attaches avec la brumeuse ville de Lyon, d’où était sa mère, pâle et triste, où les âmes, reployées sur elles-mêmes, ont coutume d’être inquiètes des grands problèmes ; où lui-même, à la vingtième année, connut une sorte de vision religieuse[1] ? Voilà ce qui, dans une large mesure, a commencé, avec des précisions diverses, à être déterminé au XIXe siècle.

  1. L’on trouvera le développement de ces idées dans les études suivantes sur Malherbe, sur André Chénier et sur Sully Prudhomme. C’est l’application de la même méthode à ces différents « cas » qui donne seule une certaine unité à ce livre.