Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
QUELQUES POÈTES

terre n’a-t-il point légitimement quelque aspiration à ce que l’on conserve la trace et le souvenir de son passage, pour ne point retomber dans le néant de l’éternel oubli tout comme les simples insectes que sa marche a foulés et les animaux dont s’est nourrie sa chair ? De toutes ses forces, il tente désespérément d’atteindre, suivant ses moyens, à une telle survivance : tantôt c’est en s’adonnant à la carrière laborieuse de l’ambition, tantôt par des fondations pieuses ou académiques, etc., et l’on pourrait retrouver sans doute chez la masse un vestige obscur de la force de cette aspiration à durer, dans l’inscription maniaque des noms, graffiti de tous les siècles, sur les monuments publics et jusque sur les arbres renommés des forêts, particulièrement chez les pèlerins qui ont fait quelque effort pour les aller visiter .

Il n’est guère possible de supputer le nombre de choses physiques et morales dont nous aurions la clef, si, exactement, nous connaissions ainsi, chacun, nos ascendants, c’est-à-dire les personnes de qui nous tenons l’être, le sang avec ses pauvretés et ses richesses, et beaucoup de nos idées. Sans compter le culte des ancêtres qui y gagnerait, tandis qu’il se trouve si peu d’hommes qui sachent quelque chose de précis sur leur propre famille au delà de deux ou trois générations, nous ne devons point oublier que le document humain, c’est-à-dire les observations sur l’individu, forme la matière de l’art, de la littérature et de la plu-