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QUELQUES POÈTES

ment l’on vit à côté de nous, comment nos compagnons de bord se tirent des multiples difficultés de l’humaine traversée, comment chacun d’eux résout pour son propre compte tous ces problèmes de sa formation personnelle, de la religion, de l’honneur, de l’amour, du mariage, de la naissance des enfants et de leur éducation, de l’argent, du support des maladies et des déceptions, du vieillissement dont secrètement on s’aperçoit si vite, alors même qu’on est encore dit jeune, de la vieillesse, de la mort.

Cet appétit de la vie des autres et du « vécu », qu’a dû ressentir, j’imagine, l’humanité à toute époque, est bien puissant à la nôtre, puisque, depuis cent ans, il s’impose à l’art sous les noms divers de romantisme, naturalisme, réalisme, naturisme, pleinairisme, tranches de vie, etc., etc… Le public réclame perpétuellement qu’il y ait le moins de différence et de transposition, le plus d’identité possible entre la vie, matière de l’art, et l’art lui-même : à mesure que les écoles, planant de leur propre vol, s’éloignent du sol de la terre, il les y rappelle, et toutes les réformes esthétiques depuis un siècle ont été un effort, plus ou moins heureux, de rapprochement vers la réalité de la vie. Les preuves en seraient trop faciles à trouver dans l’évolution du théâtre, de la poésie lyrique ou du roman.

D’autres preuves se peuvent tirer du genre de goût actuel du public français pour l’histoire : on sait avec quelle furia il s’est jeté naguère sur les