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 senti du fléau virant sur son dos ce grain d’or,
et le fer foule-grain d’une troupe batteuse
de chevaux trépignants dans l’aire fromenteuse
n’avait le grain doré, dedans l’épi caché,
par maints coups ba-batans de la balle arraché.
Le souffle baie-vent au lever de l’aurore
n’avait point émondé cette richesse encore.
La quarte, et le boisseau, le muis mesure-grain
onc n’avaient mesuré le froment souverain.
Les greniers élevés, grands, spacieux et larges,
n’avaient encor porté de si pesantes charges.
Le pénible altéré et suant porte-fayx
n’avait dessus son dos porté ce poisant faix
dans les greniers pavés, pour garder très utiles,
les grains pour réparer les années stériles.
« Car le bon ménager en certaine saison
pour quatre ans peut munir en un mois sa maison. »
Le meunier fariné n’avait dans sa tremûe
mis ce grain, moins encor sa meule à moudre émue[1].
Le boulanger n’avait dans son arche pétri
la farine que rend le froment non flétri.
La servante en ce temps folâtrement accorte
pour allègre pétrir ne s’était mise en sorte.
Elle n’avait encor son bras, blanc, potelu,
découvert pour pétrir le pain de tous voulu,
elle n’avait encore sa chandelle allumée
ni moins sa poêle encor fraîchement étamé
mise sur le trépied, et son chant éveillé
fanfareligotant n’avait point réveillé
le voisin : et le sel qui toutes chose affine
n’avait encor été mêlé dans la farine,
et le bois sermenteux pour échauffer au feu
son eau, n’avait encor cette flamme reçue.
Du mi-nud beluteur la vigilance en somme,
l’éveillant au matin n’avait rompu son somme
en frappant à sa porte et par commandement
ne lui avait point dit : Pétrissez promptement.
Le four n’avait encor de bois ni de bourrée

  1. Trémue ou trémie, grande auge où l’on verse le grain qui
    tombe delà sous les meules.