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QUELQUES POÈTES

  effacer pour jamais ce vain espoir de gloire
dont l’inutile soin traverse nos plaisirs,
et qui, loin retiré de la foule importune,
vivant dans sa maison, content de sa fortune,
a selon son pouvoir mesuré ses désirs[1].

Voilà sur le bonheur, nous semble-t-il, le dernier mot de la sagesse purement humaine, lorsque toutefois elle entend rester digne, et ni Horace, ni aucun autre moraliste laïque n’a mieux dit : ne pas compter sur les choses humaines pour nous donner la félicité, mais déraciner notre ambition, tel est certes le moyen d’être, non pas heureux, mais le moins malheureux possible.

En dehors, il ne reste que la conception religieuse, qui est plus haute. Racan n’en est pas encore là, mais il est déjà moins païen qu’Horace, et nous sentons que sa philosophie, grave dans le fond, est pour lui une sorte d’acheminement vers un idéal plus élevé.

Parmi les sources latines des Stances, il est juste de mentionner encore Claudien, disciple lui-même de Virgile et d’Horace. Il n’est pas possible, en effet, que plusieurs vers de Racan, et notamment ceux de la neuvième stance, ne soient point en partie inspirés du beau portrait du Vieillard de Vérone qui n'est jamais sorti de chez lui (Epigr. II) :

  1. Selon son pouvoir a sûrement ici le sens fort de : conformément à ses moyens et ne signifie pas en faisant son possible, ce qui ôterait beaucoup d énergie au vers.