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LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

leurs faiblesses, de sorte qu’en lisant un Lundi de Sainte-Beuve, si habilement sont entrelacées cette trame et cette chaîne, l’on ne sait point au juste si on lit une biographie ou une étude de critique littéraire ; au vrai, l’on a les deux, et s’il prend la curiosité de les distinguer l’une de l’autre, on y éprouve beaucoup de peine : dans la plupart des cas, l’on arrive à s’apercevoir que l’artiste, très habilement, suit en même temps un double plan, l’un biographique, l’autre littéraire, et que le passage de l’un à l’autre se fait sans cesse, mais d’une manière imperceptible. Sainte-Beuve commence d’ordinaire, sitôt une idée agréablement proposée au début, par résumer la jeunesse du personnage : il y montre la première apparition des traits de nature qui se marqueront fortement plus tard dans les ouvrages. De ceux-ci, le premier l’arrête, il en donne de très courtes citations, triées heureusement, et non seulement en définit par là le caractère propre, mais en tire de nouveaux traits pour la physionomie d’ensemble de l’écrivain qu’il ne perd jamais de vue et qu’il poursuit ainsi lentement et sûrement. Avec grâce il reprend le fil biographique, qu’il sait colorer des plus fines demi-teintes, et ainsi, peu à peu, de fragments biographiques en citations et précises inductions littéraires, il parvient à une légère et pénétrante conclusion finale sur la vie et sur l’œuvre : à moins, comme souvent il lui arrive, qu’il n’annonce, pour la semaine d’après, une suite de retouches à son premier essai. Il en sort une ta-