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ville, la présence d’une chaste épouse qui prépare, le soir, par les soins donnés à la maison et aux enfants, l’arrivée de son mari fatigué, et encore la simplicité des mets, et le spectacle des troupeaux et du riche essaim des jeunes esclaves.

Le rêve du financier romain et celui du courtisan français offrent entre eux plus d’un point commun, et nous trouvons de part et d’autre le riant tableau de l’abondance rustique et des plaisirs champêtres. Mais il faut être injuste ou étroit pour affecter, comme Tallemant ou la Harpe, de ne voir dans les Stances françaises qu’une imitation d’Horace.

D’abord les strophes campagnardes de Racan sont tout environnées d’autres strophes sur le désenchantement de la vie, qui leur donnent une haute portée mélancolique : l’ode latine n’offre rien de semblable.

Pour nous en tenir même aux parties communes, on dirait vraiment que le poète français n’a emprunté la plupart de ses traits à son prédécesseur que pour les transposer pour ainsi dire dans le mode de sa nature propre et de la campagne de France.

Par exemple les vers élégants d’Horace sur la cueillette des poires et du raisin, « à l’époque où l’automne élève dans la campagne sa tête parée de fruits mûrs », sont devenus cette stance, la plus pleine de simple abondance rurale que nous connaissions dans toute notre poésie :