Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
QUELQUES POÈTES

 
Sœpius ventis agitatur ingens
pinus et celsae graviore casu
decidunt turres feriuntque summos
fulgura montes,

et aussitôt dans son esprit l’idée générale revêt cette image précise et forte :

 
Plus on est élevé, plus on court de dangers :
les grands pins sont en butte aux coups de la tempête,
et la rage des vents brise plutôt le faîte
des maisons de nos rois que des toits des bergers.

Parmi les nombreuses pièces d’Horace dont Racan s’est inspiré dans les Stances, il n’en est certes pas une qui lui ait fourni autant de matière que la charmante Épode

 
Beatus ille, qui procul negotiis…

Nous savons même par Tallemant des Réaux que, la lisant mal dans le texte, il s’aida de la traduction en prose que lui en fit son cousin le chevalier de Bueil[1].

C’est aussi chez Horace un délicat éloge de la campagne, accompagné du rêve d’y passer sa vie. Un financier de Rome entrevoit dans une reposante apparition la paix des champs loin des affaires, les plaisirs de la culture et de la chasse, et, à l’automne, la cueillette des fruits qu’on offre aux dieux champêtres, et le repos au bord des sources, et, au lieu des amours inquiètes de la

  1. Tallemant (t. II, p 353) déclare à ce propos que Racan n’a jamais su le latin, ce qui paraît très exagéré.