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Tel est ce poème qui se déroule avec ampleur, comme l’ondulation même des grands blés mûrs, avec une certaine monotonie forte qui est bien celle de la campagne cultivée.

On est frappé de la perfection de sa facture, de la netteté de la pensée, de la force sereine des antithèses, de la richesse des rimes, de l’absence, si rare même chez les meilleurs poètes, de toute cheville. Tout au plus peut-on y relever quelques négligences de détails, quelques répétitions de mots, un ou deux embarras de construction qui semblent reculer légèrement la pièce avant Malherbe.

Mais on demeure charmé par cette mélancolie douce qui n’est pas la tristesse, qui ne procède point de l’orgueil, comme tant d’autres, mais qui est le fruit de la pratique de la vie et du bon sens profond : aussi ces Stances resteront-elles, nous l’avons dit, le vrai chant mélodieux des désillusions de la vie (or qui de nous, même entre les plus heureux, n’en ressent pas plus ou moins ?).

Et puis, la mélancolie du poète ne se tourne pas en une vague et brumeuse rêverie sur la nature, mais il aspire à suivre les travaux de nos bons champs français qu’il aime en réalité et que nous reconnaissons bien dans ses vers, et par là de nouveau il nous atteint tous. Au fond de ses Stances vibre le contentement, comme il dit avec nos pères, simple, naïf, un peu bourgeois si l’on veut, et par là bien vivant et gaulois, du cultivateur qui voit se remplir sa grange et son cellier ;