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QUELQUES POÈTES

Pour être vraiment un grand critique (à la manière des Malherbe, des Boileau, des Nisard, afin de ne point parler des vivants ou… d’un vivant leur héritier), la foi lui faisait défaut, nous entendons la foi en quelque chose. « Je suis arrivé dans la vie à l’indifférence complète, disait-il… Avant la mort finale de cet être mobile qui s’appelle de mon nom, que d’hommes sont déjà morts en moi[1] ! »

Il n’eut pas même la foi dans sa découverte en critique, dans ce qui en fit, trente ans durant, la force et le charme, et c’est probablement pour cela qu’on a si mal rendu justice à sa grande innovation et qu’on l’a, sur ce point, si peu continué.

Nous ne voulons point parler de son introduction, assez contestable, d’une critique très soignée dans le journalisme, à partir de 1849, où ses premiers Lundis parurent au Constitutionnel.

Il s’agit de sa grande et féconde originalité, nous voulons dire sa méthode biographique de critique littéraire, son idée de mêler l’homme et l’écrivain et d’éclairer l’un par l’autre, de ne point se borner au catalogue sec, ni même à l’appréciation abstraite et ordinairement aride des œuvres, son plaisir à dévoiler les circonstances publiques et privées où un ouvrage a vu le jour, à reconstituer peu à peu un tempérament vivant et à révéler l’âme et même le corps avec leurs ressources et

  1. Portraits littéraires, t. III, p. 543, 544.