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et notre poète en ressentit une vive peine[1].

Cependant, pour charmer sa solitude, Madeleine de Racan exécutait pour la chapelle du château, à ce moment même, si l’on en croit une vivace tradition du pays, ses admirables tapisseries au petit point, qui font aujourd’hui avec raison l’orgueil de la sacristie de Saint-Pater.

Après la reddition de la Rochelle, Racan put enfin rejoindre sa femme en Touraine ; mais il dut la quitter encore deux fois pour faire campagne sur les Alpes contre le duc de Mantoue, une autre pour s’avancer en Lorraine dans l’armée du roi : ce fut sa dernière campagne. Alors il était lieutenant, étant monté à ce grade au bout de trente-deux ans de service. Lui qui n’avait rêvé que la gloire militaire, il avait raison lorsqu’il écrivait qu’il était venu « trop tôt ou trop tard au monde », c’est-à-dire après « toutes les guerres de Henry le Grand » et avant les grandes expéditions préparées par Richelieu.

Il put donc réaliser le projet rural qui lui avait fait quelque peur autrefois, lorsqu’il le définissait exquisement : « se retirer aux champs à faire petit pot », et dès lors il s’adonna complètement à cette existence patriarcale qu’il nomme à cette époque sa « douce et charmante vie ». Les familles heureuses, tout comme les peuples heureux, n’ont pas d’histoire, et les tendresses du foyer ne s’écri-

  1. Nous avons raconté plus haut le voyage et la mort de Malherbe, p. 105-107.