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Mémoires, « les vers qui n’estoyent ni bons ni mauvais desplaisoient extrêmement à Malherbe, et il les appeloitdes Pois-pilés ». Nous dirions aujourd’hui, si je ne me trompe, de la purée.

Le disciple ne partageait nullement la farouche prévention de son maître contre le chef de la Pléiade, il ne se faisait même pas faute de le lire à sa barbe. Un jour que cela lui arrivait, dit notre manuscrit, il rencontre la chanson de Ronsard qui commence d’une façon peu harmonieuse :


D’un gosier mâche-laurier
j’oy crier
dans Lycophron ma Cassandre.

Et il demande imprudemment à Malherbe si Lycophron est la ville où demeurait Cassandre. Silence obstiné de Malherbe. Racan insiste ; l’autre s’emporte alors en gronderies, « le traittant d’ignorant ; de sorte que Racan demeura dans son erreur » : il n’était guère pressé d’en sortir. Il prenait un homme pour le Pirée.

« Un jour qui fut fort longtemps après, comme il estoit chez M.  de la Varenne », avec un helléniste, celui-ci « le pria de faire apporter de sa « bibliothèque un Licophron pour justifier un passage qu’il avoit allégué ; Racan reconnut par là que Licophron estoit un auteur et non pas une ville ».

Cinquante ans s’étaient écoulés que, dans une lettre à Ménage, il parlait encore avec une plaisante terreur du « silence grondeur et impitoya-