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Vers 1653, quand Ménage vit que Racan était décidément trop paresseux pour composer la première édition des poésies de Malherbe, il résolut de s’en charger lui-même, mais il lui demanda du moins quelques notes sur la vie du poète : Racan s’exécuta et rédigea des « Mémoires pour la vie de M. de Malherbe », improvisation naïve où il déverse à sa manière, sans art, sans grand ordre, sans aucun discernement, ce qu’il sait et ce qu’il a coutume de raconter, l’intéressant comme l’insignifiant, le grossier comme le ridicule. C’est vraiment le « Malherbiana » : les trois quarts de cet écrit sont remplis par des « bons mots ». Après en avoir rapporté un certain nombre, Racan est pris de scrupule et se met à songer comme un bon mot se refroidit à distance ; ce sont les lignes où il témoigne de la plus vive intelligence : « C’estoient, dit-il, les discours ordinaires qu’il avoit avec ses plus familiers amis ; mais ils ne se peuvent exprimer avec la grâce qu’il les prononçoit, parce qu’ils tiroient leur plus grand ornement de son geste et du ton de sa voix. »

Et que dire, à trois siècles d’intervalle, quand la langue, les mœurs, les circonstances ont changé ? En vérité, on jugerait plus facilement par un