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belle ode, accompagnée d’une requête contre les coupables ; à la fin de sa lettre, il donnait une strophe anticipée sur la future reddition des Rochelois.

Au mois de juillet il n’y tient plus, et, en dépit de son grand âge, fait le voyage de la Rochelle, où il est reçu et guidé par Racan, qui sert comme enseigne dans la compagnie d’Effiat. Dans la cour même du château du roi, le vieux poète fait sourire les gens de guerre, en disant tout haut qu’il entend aller sur le pré et demander le combat contre M. de Piles, un des jeunes officiers qui ont tué son fils. Racan le tire à part pour lui montrer qu’il est ridicule, avec ses soixante-treize ans, de se battre contre un homme de vingt-cinq. « C’est pour cela que je le fais, réplique brusquement Malherbe, je hasarde un sol contre une pistole. »

Un autre jour, désignant à son jeune ami la sentinelle la plus avancée sur un bastion de la ville : « Voyez-vous cet homme-là ? dit-il, il souffre la faim et mille autres incommodités, et s’expose, à tous moments, à perdre la vie, parce qu’il veut communier sous les deux espèces, et les autres l’en veulent empêcher ; n’est-ce pas un beau sujet pour troubler toute la France ? » Curieuse boutade qui forme comme l’envers de l’ode précédente ; mais en vertu des disparates si accentuées dans la nature de Malherbe, l’on peut croire qu’il n’est pas moins sincère dans ses envolées lyriques que dans ses saillies gauloises, quand il