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de légèreté, qui témoigne chez le vieillard de soixante-douze ans d’une vivacité à la fois juvénile et mûre :


Donc un nouveau labeur à tes armes s’apprête ;
prends ta foudre, Louis, et va, comme un lion,
donner le dernier coup à la dernière tête
de la rébellion[1].

Fais choir en sacrifice au démon de la France
les fronts trop élevés de ces âmes d’enfer,
et n’épargne contre eux, pour notre délivrance,
ni le feu ni le fer.

Marche, va les détruire, éteins-en la semence…

Il termine en proclamant hautement sa foi dans la fécondité de sa verte vieillesse :


Je suis vaincu du temps, je cède à ses outrages ;
mon esprit seulement, exempt de sa rigueur,
a de quoi témoigner en ses derniers ouvrages
sa première vigueur…

Le vieux poète tient tête à l’âge : il avait pourtant, à cette heure, l’âme bien endolorie. Il venait de perdre le dernier enfant qui lui restait, son fils, le grand duelliste, qui avait fini par périr lui-même dans une querelle aux environs d’Aix : ce fut, à coup sûr, la plus grande douleur de sa vie, et avec sa ténacité coutumière, il employa ses dernières forces à obtenir la punition des meurtriers. En 1628, il adressa donc au roi sa

  1. Il est bien rare que Malherbe tombe, comme en cette strophe, dans l’incohérence des images : le roi y est à la fois Jupiter, un lion et Hercule abattant l’hydre.