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la poésie d’alors, qui, pour rendre ses grandioses visions, brossa de vastes fresques bibliques, où le fini du détail était le moindre de ses soucis.

L’on ne peut d’ailleurs mieux s’arranger qu’il ne fit pour manquer sa carrière littéraire. Plus âgé que Malherbe, le protestant Agrippa d'Aubigné, après avoir fait la guerre pendant plus de vingt années, avec le grade de maréchal de camp, ne publia ses Tragiques qu’en 1616, et alors cette grande œuvre, d’une langue archaïque, passa inaperçue. Nous ne connaissons point d’exemple plus frappant pour prouver qu'en littérature il ne suffit pas d’avoir du mérite, il faut encore arriver à son heure. Dans sa préface des Tragiques, il fait dire assez fièrement au « Laron » qui aurait volé son manuscrit : « Les plus gentilles de ses pièces [les plus heureuses] sortaient de sa main, ou à cheval ou dans les tranchées, se délectant non seulement de la diversion, mais encore de repaître son esprit de viandes hors de temps et saison… Ce qui nous fâchait le plus, c’était la difficulté de lui faire relire. Quelqu’un dira : Il y paraît en plusieurs endroits, mais il me semble que ce qui a été moins parfait par sa négligence, vaut bien encore la diligence de plusieurs… J’ai pris quelques hardiesses envers lui, comme sur quelques mots qui sentent le vulgaire ; avant nous répondre, il fournissait toujours le vers selon notre désir, mais il disait que le bonhomme Ronsard, lequel il estimait par-dessus son siècle en sa profession,