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MALHERBE


blâmant tout ce qui n’est facile qu’à leur goût ;
sont un mois à connaître, en tâtant la parole,
lorsque l’accent est rude ou que la rime est mole,
veulent persuader que ce qu’ils font est beau
et que leur renommée est franche du tombeau,
sans autre fondement sinon que tout leur âge
s’est laissé consommer en un petit ouvrage,
que leurs vers dureront au monde précieux
pour ce qu’en les faisant ils sont devenus vieux…

Et il termine en retraçant sa propre manière de composer, toute primesautière et capricieuse, qu’il règle sur cette maxime, entièrement opposée à celles de la nouvelle école :


Jamais un bon esprit ne fait rien qu’aisément.

Bientôt poursuivi pour athéisme et autres dérèglements, Théophile fut emprisonné, et Malherbe s’en entretient avec Racan dans une lettre où il ajoute cette appréciation sans doute partiale : « Pour moi, je pense vous avoir déjà écrit que je ne le tiens coupable de rien, que de n’avoir rien fait qui vaille au métier dont il se mêlait. »

Le pauvre poète finit par sortir en 1625 de la tour de Montgommery, où il avait beaucoup souffert, et il expirait peu de temps après, n’ayant pas plus de 36 ans. Malherbe enterrait ses jeunes ennemis les uns après les autres.

Cependant l’arrière-garde des vieux partisans du dernier siècle se décidait à donner. À la tête se trouvait celui qui fut assurément le plus grand poète de cette époque, sorte de Michel-Ange de