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MALHERBE

libertés, ses langueurs aimables et ses nonchalances pleines de charme ; les jeunes satiriques, qui combattaient pour les privilèges de la verve et les droits de l’inspiration, et se refusaient à peser indéfiniment les idées, à « gratter » et « regratter » les mots (ils ont tous cette méprisante expression à la bouche). Il est même plaisant de voir cette impertinente jeunesse qui n’a de respect pour rien, défendre, avec de grands airs scandalisés, les vieux poètes attaqués par le législateur.

Les jeunes, ainsi qu’il arrive, tirèrent avant les autres. Ce fut le déjeuner de Vanves qui déclencha les mousquets : le jeune Mathurin Régnier, qui avait été très lié avec le maître et était déjà fort connu par ses premières satires lancées entre deux voyages d’Italie, voulut venger Desportes, son cher oncle… à succession, et l’art libre tel qu’il le concevait. Sous le coup de l’indignation, il décocha au législateur la IXe satire, sa meilleure, où il expose avec une verve pénétrante, qui lui sert à la fois et d’arme et d’exemple, les principaux griefs qui retentissent chez les mécontents contre la nouvelle école… Les successeurs ne diront pas mieux. S’adressant à son ami poitevin Nicolas Rapin, l’un des auteurs de la Ménippée, il fait un tableau, assez exact et pris sur place, des occupations intérieures et discours ordinaires de l’école :


Ronsard en son métier n’était qu’un apprentif,
il avait le cerveau fantastique et rétif,