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MALHERBE

Vers la fin de sa vie, il « paraphrasa », ou plutôt réduisit le psaume 145 en quatre strophes, qui sont toutes quatre belles, sur l’égalité des hommes devant la mort, sur le nivellement posthume des pauvres et des rois, ce thème qui avait un à-propos bien plus pénétrant sous l’ancien régime, car il contenait comme une revanche future des inégalités monarchiques[1]. Voici le milieu de la pièce :


En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
nous passons près des rois tout le temps de nos vies
à souffrir des mépris et ployer les genoux : [sommes,
ce qu’ils peuvent n’est rien ; ils sont comme nous
véritablement hommes
et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l’esprit, ce n’est plus que poussière
que cette majesté si pompeuse et si fière
dont l’éclat orgueilleux étonnait l’univers ;
et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines
font encore les vaines,
ils sont mangés des vers.

Dans la bouche du poète officiel de la monarchie française en charge depuis plus de vingt ans, voilà une éloquence singulièrement audacieuse. Nous ne savons sur le même sujet qu’un accent plus vif encore ; il vient aussi de l’école de Malherbe, où le thème devait être familier, et a été proféré par son cousin Patrix. Dans Le Songe

  1. La même idée l’avait déjà bien inspiré dans l’une des Stances célèbres de l'ode à du Périer.