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depuis plusieurs heures. C’était un de ces temps à ne pas mettre « un chien dehors. » Les rues étaient vides. On ne voyait aucune sentinelle. Je crus que découragées par le froid, rassurées par l’aspect absolument désert des environs, elles s’étaient relâchées de leur surveillance ordinaire, la jugeant superflue. Il était deux heures du matin. Je sortais du Comité de salut public. Je m’avançai donc, ne m’attendant pas à être arrêté. Quelle erreur ! Tous les dix pas, une ombre se détachait de l’abri d’une porte cochère, d’un pan de mur, de la saillie d’une devanture de boutique, me criant : Qui vive ! — exigeant le mot de passe. Pas un homme ne manquait à son service ! Pas un ne dormait ! L’armée la mieux disciplinée n’eût peut-être pas atteint ce degré de perfection.

On est bien gardé, quand on est gardé par le peuple !

Un dernier détail, et j’en aurai fini avec ce côté de l’aspect de Paris.

C’était la nuit également. Nous approchions de la catastrophe, dont huit jours à peine nous séparaient. La journée avait été cruelle. Les enterrements avaient sillonné la ville, plus nombreux que jamais. Nous avions perdu beaucoup de monde. Les bataillons qui redescendaient des avant-postes, étaient rentrés affreusement décimés. L’espoir commençait à disparaître de tous les cœurs, Paris abandonné à ses seules forces qui diminuaient d’heure en heure voyait arriver la crise suprême, et luttait avec l’énergie, la résolution des désespérés.

Les tranchées des Versaillais s’avançaient et n’étaient plus qu’à quelques mètres de l’enceinte. Le cercle de feu se rétrécissait. Les détonations