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Je les vois encore ces rues de Paris, dans leur calme majestueux ou leur animation virile.

Le canon et le bruit de la mitraille grondent sans cesse aux portes de la grande Cité, promenant leurs échos sinistres jusque dans le cœur de la ville. Nuit et jour, on entend le crépitement de la fusillade, le tonnerre sourd de l’obus qui éclate.

Le tambour bat, c’est un bataillon qui défile, allant au feu. Les hommes ont l’air grave et recueilli. Ce n’est plus cette gaieté qu’on avait en affrontant la mort devant les Prussiens. Alors, on allait au combat comme à une fête, et l’on ne comptait pas ceux qui succombaient. Qu’importaient quelques hommes de plus ou de moins ? Est-ce que la France entière n’était pas une vaste pépinière d’hommes ? Pour un de disparu, dix de retrouvés ! Ceux qui tombaient avaient fait leur devoir. A d’autres de les remplacer… du moins, Paris le croyait.

Aujourd’hui, ce n’est plus la même chose. Le nombre en est compté des héros qui te saluent, Liberté, avant de mourir ! Nul ne les remplace, et les rangs éclaircis resteront éclaircis. Aujourd’hui, ce ne sont plus seulement des hommes qui meurent, ce sont des flambeaux qui s’éteignent. Chaque révolutionnaire de moins est un foyer lumineux de la Révolution qui ne réchauffera plus l’humanité de sa flamme, qui n’éclairera plus la route de l’avenir de son rayonnement éclatant !

Puis ces français qui marchent à la mort, songent aussi que leurs balles vont trouer des poitrines françaises. Ces martyrs que le soudart Versaillais, le prétorien de Vinoy, égorgent désarmés avec une joie féroce et lâche, conser-