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des malheurs publics. Cette part, pour vous, s’appelle le chômage, un hiver sans feu, des journées sans pain, les enfants malades faute de nourriture suffisante, la santé de la mère ruinée. Pour lui ce sera une légère diminution dans ses revenus ordinaires. La morale ne permet pas que le plus riche dépouille le plus pauvre, qu’il le jette sur le pavé sans asile, qu’il s’approprie le produit total de votre travail, pour s’épargner une gêne momentanée. Si vous ne lui payez pas son terme, sa maison lui reste, sa situation est donc intacte. S’il oppose quelque résistance à votre départ, venez à la mairie. Vous y trouverez l’appui nécessaire.

Bien souvent, la pauvre femme s’en allait les larmes aux yeux, après avoir exprimé sa surprise et sa reconnaissance d’une façon touchante.

Nous essayions alors de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas nous remercier, qu’il ne s’agissait pas là d’un acte d’humanité passager, d’une aumône déguisée, d’une grâce, d’un bon plaisir, en un mot, mais d’une des mille applications du retour au droit, à la justice, à l’égalité.

Dans ces moments-là et quelques autres semblables, on se sentait heureux de représenter le Pouvoir, d’être à même de tendre une main ferme et loyale à ceux qui souffrent, de relever ceux qu’on écrase, de faire pénétrer un rayon de soleil dans ces couches profondes ou désespèrent les déshérités, et de leur dire :

— Debout, frère, ta place t’est réservée !

Ces moments de joie furent la seule récompense des quelques hommes convaincus et désintéressés qui ont donné leur avenir et leur vie pour l’accomplissement de ce devoir, qu’on a fusillés comme des criminels, ou que l’on traque comme des bêtes fauves.