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nir, dictature non d’un homme, mais du peuple — seul maître de la situation. On avait déjà vu ce pouvoir populaire, à Paris et dans d’autres villes, mais pour quelques heures seulement, au milieu des désordres et des émotions d’une insurrection victorieuse.

Sous la Commune, il n’en fut pas de même.

Cette dictature dura plus de deux mois, du 18 mars au 22 mai, sans interruption.

J’ai dit dictature. Je me suis trompé. Le mot est mauvais et rappelle des idées de violence, de tyrannie, de suppression des lois, de la vie ordinaire, libre et régulière, qui ne sont pas de mise ici. En effet, le spectacle que présenta Paris, perdant ces soixante-dix jours, ne ressemble en rien à ce que l’on est habitué à voir, quand la vie est suspendue aux caprices d’un maître unique et tout puissant, alors que la soldatesque traîne partout son sabre taché du sang des citoyens, alors que la police triomphante règne sur un peuple agenouillé et avili.

Le Gouvernement dit légal avait fui.

Derrière lui avaient fui l’armée, la police, l’administration, la magistrature. Plus un seul représentant officiel de la société organisée. Pas même un simple employé !

Vides les ministères, vides les casernes, vides la préfecture de police et la préfecture de la Seine !

Vides les tribunaux, depuis la Cour de cassation jusqu’à l’humble salle de la Justice de Paix !

Vides les mairies, vide l’administration des postes !

Vides les caisses, car tous ces fuyards, tous ces déserteurs, avaient sauvé la caisse et rempli leurs poches !