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J’avais assez à faire de haïr les ennemis du peuple, ceux qui le bombardaient et s’apprêtaient à l’égorger.

Malheureusement il n’en fut pas de même chez tous. Plusieurs, emportés par la passion, exaspérés par les événements, déséquilibrés par le sentiment du danger et de l’impuissance ou ils se débattaient, trop bornés peut-être pour être justes, désireux même, qui sait ? de se signaler, à quelque popularité passagère et de mauvais aloi, s’imaginèrent ou firent semblant de croire qu’ils assureraient la victoire du peuple s’ils supprimaient certains contradicteurs qu’ils rencontraient sur les bancs de la Commune.

L’un d’eux, un jour, me dit froidement :

« Arnould, le plus beau jour de ma vie sera celui où je vous arrêterai ! »

Je lui répondis :

« Je suis loin d’en penser autant à votre égard. Je ne partage pas vos façons de voir ; je blâme vos façons d’agir, mais je vous regarde comme un fidèle serviteur du peuple, comme un homme sincère et dévoué, et le nombre de ceux qui combattent résolument au service de la Révolution n’est pas assez grand pour que je voulusse le diminuer, quand nous avons tant d’ennemis implacables à repousser. »

Je ne nommerai pas ce collègue. Il est mort en héros. J’estime son caractère, j’admire son courage, et malgré l’injustice de ses sentiments, malgré l’étroitesse de ses opinions, malgré les fautes qu’il a pu commettre, et qui nous font plus de mal aujourd’hui que toutes les calomnies de Versailles, jamais, de ma plume ni de mes lèvres, il ne tombera un mot qui puisse nuire à sa mémoire.