Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’armée était peu estimée et sans armes ; les généraux universellement méprisés. Aucune police dans les rues. Pas un homme qui fût assez populaire, assez autorisé pour se faire écouter.

Nous n’avions qu’un pouvoir anonyme, représenté par M. Tout le Monde.

À ce moment, et c’est un point sur lequel je ne saurais trop insister, parce qu’il est important et semble avoir passé inaperçu, la Commune existait déjà de fait, en ce sens que Paris, livré à lui-même, séparé du gouvernement de Bordeaux par la distance et par tous ses sentiments, vivait de sa vie propre, ne relevait que de sa volonté individuelle.

Il y avait bien, quelque part, un général de Décembre, nommé Vinoy, mais sans autorité, ni morale, ni matérielle, et personne ne s’en occupait.

Le gouvernement Favre-Trochu avait fermé les clubs à la suite du 22 janvier, et supprimé deux journaux, mais les autres usaient d’une grande liberté. Chose inouïe pour un Parisien, et dont un Parisien seul[1] peut bien comprendre toute la portée, le colportage, l’affichage eux-mêmes étaient libres.

On criait les journaux et les brochures dans les rues ; sur tous les murs on collait les articles à sensation, les caricatures du jour, voire même des placards signés : « Blanqui ».

Pendant quelques semaines, Paris jouit d’une indépendance complète, absolue, qu’il n’avait jamais connue, et qui le mit dans la situa-

  1. Il est bien entendu, chaque fois que j’emploie ce terme de Parisien, que je veux désigner celui qui habite Paris, et non pas seulement celui qui est natif de Paris.