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Un certain nombre de marins et même quelques soldats, gagnés par la fièvre générale, convertis par la propagande active de toute une population, se joignirent à ces cortèges.

Les munitions furent enlevées aussi, et, comme on manquait de moyens de transport, il se formait de longues chaînes où la foule se passait, de main en main, les obus et les boîtes à mitraille.

Tout cela, ne l’oublions pas, était chargé. Qu’un obus échappa de la main débile d’une femme, et la mort décimait ces braves citoyens. On eut beau les prévenir du danger, ils ne firent qu’en rire, disant qu’ils n’avaient pas le temps de prendre tant de précautions, que les Prussiens allaient entrer, et qu’il ne fallait pas qu’ils trouvassent une seule gargousse[1].

Les canons et les munitions furent répartis dans les faubourgs, à Batignolles, à Montmartre, à Belleville, sauf ceux que l’on avait déjà parqués place des Vosges.

Comme on le voit, cet enlèvement eut tout d’abord un caractère purement patriotique. Il s’agissait exclusivement de les mettre à l’abri des Prussiens. Le gouvernement, du reste, n’essaya point de s’y opposer. L’eût-il voulu, il ne le pouvait pas. La force dont il disposait, dix mille hommes, était insuffisante, et Paris, depuis la capitulation, appartenait réellement à la garde nationale, devenue seule maîtresse de la situation.

Paris n’avait plus de gouvernement. Les hommes de l’hôtel de ville étaient partis à Bordeaux ;

  1. J’ai déjà signalé plusieurs fois jusqu’à quel point cette population parisienne a le mépris ou l’insouciance du danger, de même que la gaieté caractéristique qu’elle montre dans ces occasions spéciales.