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Mais les balles continuaient de pleuvoir. La foule s’éparpilla, laissant derrière elle un certain nombre de corps étendus qui jonchaient le sol dans tous les sens[1].

Les gardes nationaux traversèrent alors la place, puis, parvenus à l’entrée de l’avenue Victoria, adossés contre le bâtiment municipal qui formait l’annexe de l’hôtel de ville, ils s’arrêtèrent, firent demi-tour à gauche, épaulèrent, et répondirent à l’attaque par un feu de peloton.

Jamais je n’ai vu un mouvement accompli avec plus de sangfroid et une plus merveilleuse rectitude, et il me causa une véritable admiration, même à ce moment d’indignation et de trouble.

Après cette décharge, les gardes nationaux s’embusquèrent de côté et d’autre, et, pendant une demi-heure, ce fut un feu roulant, puis les coups cessèrent, et tout rentra dans le silence[2].

Tel fut le 22 janvier.

Cela pouvait déjà donner un avant-goût des journées de mai. C’était la petite pièce qui précède la grande ; le lever de rideau, en attendant le drame.

Eh bien, comme témoin oculaire, présent sur le lieu de l’action, en ayant suivi toutes les péripéties, je déclare que cette effroyable fusillade

  1. Il y eut une cinquantaine de blessés et de morts, parmi lesquels le commandant Sapia, républicain dévoué, qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, l’agent bonapartiste dévoilé au procès de Bourges.
  2. Il y eut une ébauche de barricade, faîte, rue de Rivoli, avec trois omnibus renversés par les gardes nationaux que commandait Razoua.

    Le héros de la journée fut le citoyen Malézieux, aujourd’hui condamné à la déportation dans une enceinte fortifié.

    Invulnérable au milieu d’une grêle de balles, il resta le dernier sur la place, après avoir brûlé ses quatre-vingts cartouches. Sa capote était trouée en plusieurs endroits, mais il ne fut ni blessé, ni pris.