Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v1.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Razoua nous annonça ensuite qu’il avait jugé prudent, vu leur petit nombre, de faire éloigner les gardes nationaux de Montmartre, que leur présence sur la place pouvait exposer d’un instant à l’autre à quelque décharge meurtrière.

Il les avait rangés en bon ordre près du square de la tour Saint-Jacques, le long de la grille, où ils devaient attendre les événements.

Au moment où l’on finissait de nous donner ces diverses explications, ou quelques minutes après, une certaine agitation qui se produisit dans la foule, fit descendre plusieurs d’entre nous sur la place.

Cette agitation était causée par l’arrivée d’une colonne de gardes nationaux. Ils débouchaient, tambours en tête, par la rue du Temple, et allèrent s’aligner devant les grilles de l’hôtel de ville.

Cette colonne était également fort peu nombreuse, quoique ayant l’air fort résolu. C’était le contingent des Batignolles, deux cents hommes environ[1].

Quelques secondes s’étaient à peine écoulées, lorsqu’une décharge effroyable, partie de l’hôtel de ville, alla semer la mort parmi cette foule inoffensive de curieux, de femmes, d’enfants, qui couvraient la place.

Thiers n’eût pas fait beaucoup mieux. C’était déjà son système, dont on commençait l’application à cet incorrigible peuple de Paris.

Cela fut si imprévu et si odieux tout à la fois, que la foule resta d’abord stupide et comme hébétée, avant de songer à la fuite.

  1. Le citoyen Malon les avait réunis, en faisant, ceint de son écharpe et accompagné de trois tambours, battre le rappel dans les principales rues des Batignolles.