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marchez de l’avant, faites-vous tuer, et soyez satisfaits. Vous aurez eu votre sortie !

Ce jour-là, Paris présenta un spectacle admirable et qui ne sortira plus de ma mémoire.

Dès le matin, on battit, à grand bruit, le rappel dans tous les quartiers, puis on fit traverser la ville, dans tous les sens, en plein jour, aux bataillons de marche. On les massa notamment sur le boulevard, à partir de la place du Château-d’Eau jusqu’à l’entrée du faubourg Montmartre.

On y mit toute l’ostentation et tout le temps possibles, afin que les Prussiens fussent bien prévenus qu’une attaque allait fondre sur eux, et pussent se préparer à la recevoir convenablement[1].

Ces bataillons de marche étaient magnifiques de tenue et de résolution. Jamais ils n’avaient été aussi nombreux. Chacun avait mis son point d’honneur à répondre à l’appel. Les femmes, les enfants étaient là. On voyait des hommes jeunes encore, mais déjà pères de famille, qui tenaient leur enfant d’une main, pendant que la femme portait le fusil, pour soulager son mari.

Au moment de partir, le père embrassait l’enfant, le remettait à quelque voisin faisant partie de la sédentaire, puis rejoignait son rang. La femme, alors, soit ouvrière, soit bien mise et en

  1. Paris fourmillait d’espions prussiens, qu’on n’arrêtait guère, et dont on ne fusilla pas un seul.

    Jules Simon s’y opposa tout particulièrement. Il versa des larmes, en déclarant qu’il avait toujours combattu la peine de mort ; il n’eut pas de mal à gagner sa cause, il ne s’agissait que des ennemis de la France./p>

    A l’égard de ces braves Prussiens, l’exquise sensibilité de Trochu et de Jules Favre égalait au moins la sensibilité du philanthrope Jules Simon.

    Fusiller des espions ! Quelle horreur ! La fusillade, c’est bon pour les ouvriers parisiens, leurs femelles et leurs petits !