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de démoralisation, afin de prouver quels obstacles il eut à surmonter pour conserver vis-à-vis de l’ennemi cette tenue digne et indomptable qui fit l’admiration de l’Europe.

Ce fut donc bien le peuple, le peuple seul, qui voulut la résistance quand même, la guerre à outrance, malgré la volonté du gouvernement, malgré les mille souffrances gratuites qu’on lui imposait à dessein pour l’amener à la lassitude.

Dans une ville assiégée, surtout quand cette ville contient d’immenses richesses et d’extrêmes misères, le rôle des chefs qui la commandent est de pousser à la lutte, de réveiller le patriotisme, d’échauffer les cœurs, de surexciter les courages.

A Paris, rien de pareil. Toutes les dépêches, toutes les proclamations officielles, étaient calculées pour semer le découragement.

Les proclamations de Trochu, en particulier, pouvaient toutes se résumer en ces quatre mots :

— Frères, il faut mourir !

C’était lugubre et grotesque ; et je me suis souvent demandé comment ce peuple impressionnable à l’excès, plein d’imagination, facile à l’enthousiasme et qu’on croit facile à l’abattement, avait pu résister à un semblable régime.

Rien n’y fit. Loin de s’abattre, il se surexcitait chaque jour. Les mauvaises nouvelles, les souffrances, les défaites, l’enfonçaient davantage dans sa résolution de vaincre ou de mourir.

Il s’irritait contre le gouvernement, l’accusait d’incapacité et de lâcheté ; mais ne songeait pas qu’il pût, lui-même, mettre un terme à ses souffrances, par une lâcheté !

Plus on le poussait vers la capitulation, plus il se raidissait pour la bataille.

Quand, après une longue attente, un statu quo