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gouvernement préféra organiser l’aumôme ruineuse et démoralisatrice sur la plus vaste échelle.

Bientôt les trois quarts de la population parisienne ne vécurent que de la bienfaisance officielle et privée[1].

Il est vrai que M. Clamageran, qui avait une gastrite, pouvait, de la sorte, se procurer du vrai filet, et que les gens de l’hôtel de ville mangèrent du veau et eurent du beurre frais, jusqu’au dernier jour[2].

Il y avait aussi quelque chose de particulièrement odieux et inique à n’avoir accordé un secours pécuniaire qu’à la femme légitime du garde national, dans une ville ou le tiers environ des unions n’ont pas été consacrées par la loi. J’ai vu plus d’un brave ouvrier, plus d’un honnête employé, pleurer de rage, en étant obligé de déclarer publiquement, devant toute sa compagnie, que la mère de ses enfants, que la compagne de sa vie, n’était qu’une concubine !

Celui-là, avec ses trente sous, devait forcément nourrir femme et enfants, ou les condamner à recourir à la mendicité près de la mairie de son quartier.

J’insiste sur tous ces détails, déjà bien connus, afin de faire comprendre ce qu’il fallut de dévouement et d’énergie à ce peuple de Paris, pour résister à l’action de tant de causes de dégoût et

  1. Dans le quatrième arrondissement, qui est un arrondissement de bourgeoisie moyenne, en majeure partie, et qui compte trente-deux mille électeurs, nous avions vingt-cinq mille assistés. Dans les quartiers pauvres, je chiffre monta jusqu’aux neuf dixièmes de la population.
  2. On entretenait, à grands frais, un troupeau de vaches pour le café au lait de mesdames Jules Simon et consorts, et l’on égorgeait, en cachette, dans les souterrains de l’hôtel de ville, des veaux et autres animaux de boucherie, peur la table des membres du gouvernement. Faits constatés pendant la Commune.